Sexualité et cancer
Le cancer touche de plein fouet le couple. Il impacte physiquement et psychologiquement les deux partenaires, patient(e) et conjoint(e), tous genres et orientations sexuelles confondus. Le cancer s’immisce dans la sphère intime, la vie sexuelle étant l’un des éléments du bien-être global de l’individu. Mais c’est un sujet souvent difficile à aborder, même quand on est ensemble depuis longtemps. Effets du cancer et des traitements sur la sexualité, solutions possibles, aides et conseils pour les pallier, pendant et après les traitements… Nous espérons vous fournir des réponses aux questions que vous vous posez souvent, mais qui sont trop peu évoquées par les soignants et que vous n’osez pas forcément leur poser, par pudeur, gêne…
et peuvent provoquer des émotions fortes, selon votre propre parcours.
Retrouvez en podcast le webinaire cancer et sexualité avec l’intervention de Catherine Adler-Tal psycho-sexo-oncologue du 4 février 2022 !
Comme expliqué dans notre page « Quand le cancer impacte mon couple« , si le cancer a des effets délétères sur la personne malade, il en a aussi pour son entourage, et plus particulièrement pour son conjoint ou partenaire. La vie sexuelle n’y échappe pas, pour des raisons purement physiologiques liées à la maladie ou aux traitements, ou psychologiques liées à ce qu’elle implique.
Évoquer ce sujet, très personnel, souvent tabou, n’est pas évident pour la plupart d’entre nous, pour des raisons culturelles, religieuses, par culpabilité, pudeur ou peur de « ne pas être à la hauteur », parce que l’on a des souvenirs rougissants et ricanants de cours de SVT au collège et, souvent, parce que nos parents ne nous y ont pas habitués. Pourtant, la sexualité librement consentie, partagée et vécue, ne se résume pas au rapport sexuel : elle englobe également la stimulation des sens, la tendresse et l’affection que l’on peut manifester à l’autre, et, réciproquement, l’attention que l’autre vous porte. Elle fait partie des ciments du couple.
Quand le cancer impacte mon couple
La sexualité est un aspect central de la personne humaine
Dès 1975, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) la définissait comme suit : « La sexualité est un aspect central de la personne humaine, tout au long de la vie, et comprend le sexe biologique, l’identité et le rôle sexuel, l’orientation sexuelle, l’érotisme, le plaisir, l’intimité et la reproduction ». C’est donc une dimension complexe de notre vie, intimité que nous vivons tous différemment, que l’on soit célibataire ou en couple, et selon les périodes de notre vie.
Attention intrus…
Quand le cancer s’immisce dans le couple, cela peut être handicapant pour l’un comme l’autre des partenaires au niveau de sa vie sexuelle. Pour y faire face, plusieurs possibilités existent :
- des professionnels vers qui vous tourner, seul ou en couple, pour écouter votre vécu, répondre à vos questions et ressentis et vous proposer des solutions adaptées à votre situation ;
- des dispositifs médicaux, médicaments et autres coups de pouce pour vous aider à pallier un dysfonctionnement physique ;
- une écoute et des conseils pratiques sur votre intimité, seul ou en couple, pour réveiller, (ré)activer l’imaginaire érotique, (re)lancer le corps, le désir et, de fait, sa libido.
Même si le cancer vient complexifier la vie sexuelle, de nombreuses solutions sont applicables à tous les couples, que la maladie soit présente ou non. En effet, si des difficultés conjugales, des non-dits ou des inquiétudes tues étaient déjà présents ou sous-jacents, la maladie sera un amplificateur émotionnel de ces fragilités. Il est également envisageable de ne pas avoir de rapport sexuel pendant un temps, si le patient ou son conjoint n’en ont pas envie. Il faut se défaire de cette culpabilité qui peut être pesante et remplacer, par exemple, ces rapports par des moments de tendresse. Chaque chose en son temps. Si l’envie est moins présente, c’est probablement provisoire – il faut laisser le temps au temps.
Les effets physiques du cancer et des traitements sur la sexualité
Le cancer peut venir impacter le corps et la sexualité de plusieurs manières. Les effets secondaires des traitements peuvent provoquer de la fatigue, la perte des cheveux, des nausées, des problèmes de peau. Concernant la fonction sexuelle plus spécifiquement, des troubles peuvent toucher les deux sexes : diminution de la libido, absence totale de désir sexuel, perte d’intérêt pour la sexualité, prise ou perte de poids, douleurs articulaires, bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, troubles de la fertilité, voire ménopause précoce, etc.
J’ai peur des effets secondaires
Lise, 23 ans, en rémission d’un sarcome diagnostiqué en 2014 récidivant en 2017
Physiquement, chez les hommes, les principaux effets des traitements anticancéreux constatés, pour tous types de cancers, sont des troubles de l’érection. Chez les femmes, des troubles de la lubrification du vagin (sécheresse vaginale) sont perçus comme le principal effet secondaire des traitements anticancéreux généralement ressenti, et causent notamment des douleurs. L’utilisation de lubrifiant ou d’ovules (sur prescription) peuvent être une solution simple pour pallier cette sécheresse et, ainsi, éviter les douleurs physiques.
D’autres troubles physiques peuvent être vécus (stomie, ablation d’un sein, d’un testicule…) pour lesquels nous vous conseillons de vous rapprocher d’un sexologue qui saura vous accompagner pour vous approprier ce nouveau corps et vous conseiller.
Certains cancers féminins (sein, ovaire, col de l’utérus) et masculins (prostate, testicule, verge) ont particulièrement trait à la féminité ou à la masculinité/virilité par leur localisation. Mais, de nombreux autres types de cancer provoquent un impact similaire sur la sexualité.
Axel, 31 ans, conjoint d’Adèle, 27 ans, en rémission d’un sarcome d’Ewing diagnostiqué en 2014
Jean-Marc, 63 ans, conjoint de Nadine décédée d’un cancer du rein métastatique à 52 ans après 2 ans de traitement
Colette, 58 ans, guérie d’un cancer du côlon diagnostiqué en 2004 et 2 fois récidivant
L’image de soi mise à mal
C’est indéniable, et difficile à admettre : outre la confiance, le cancer ébranle la vision que l’on a de soi et de son corps. Douleurs, modifications physiques, altération des sens… bousculent notre vie, notre sommeil et sont sources de fatigue, d’inquiétude, d’incertitude sur le lendemain, sur l’après. Notre corps, que nous ne contrôlons plus, ne nous appartient plus. Le reflet du miroir change. Il n’est plus celui que l’on connaissait. Comment alors désirer, pouvoir être désiré(e), rester attirant(e) ? Le désir et la libido sont alors souvent mis de côté, ou considérablement réduits par les traitements. La maladie et les ressentis physiques passent au premier plan, et la sexualité au second plan.
Jean-Marc, 63 ans, conjoint de Nadine décédée d’un cancer du rein métastatique à 52 ans après 2 ans de traitement
Jean-Marc, 63 ans, conjoint de Nadine décédée d’un cancer du rein métastatique à 52 ans après 2 ans de traitement
La sexualité est basée sur le vécu de chacun des partenaires du couple. Elle vise un bien-être global des deux individus. La parole est un premier pas pour pouvoir exprimer les ressentis, sensations, bien-être/mal-être, douleurs éventuelles, doutes aussi. Elle permet d’exprimer ce que ressent son corps, son propre désir, où en est son couple. Parler de ce que l’on ressent face à la maladie, aux traitements, de l’impact physique des traitements sur notre corps ainsi que de la sexualité que l’on souhaite ou pas permet à l’autre de mieux nous comprendre, et réciproquement. Le/la conjoint(e) peut aussi partager son ressenti, ses craintes (peur de faire mal, par exemple), ses difficultés, ses appréhensions. Toujours rester à l’écoute l’un de l’autre est essentiel.
À qui en parler ? Vers qui se tourner ?
Le ou les médecins qui vous suivent n’abordent pas forcément l’intimité et la sexualité du couple de prime abord, ce n’est pas pour autant qu’ils ne répondront pas à vos questions. Pouvoir apprivoiser à la fois individuellement et ensemble l’impact du cancer sur sa sexualité est important. Il peut y avoir un sentiment de culpabilité si l’on ne sait pas que les traitements affectent également les fonctions sexuelles. On peut croire que le problème vient de nous alors qu’en fait, les traitements modifient notre corps sans qu’on le veuille et, donc, la sexualité devient plus difficile.
Pour une sexualité la plus épanouie possible dans cette période particulière de votre vie, il est donc vivement conseillé d’en parler avec votre médecin généraliste, oncologue ou spécialiste (gynécologue, urologue, etc.) pour dédramatiser et déculpabiliser face aux effets des traitements, et pour être accompagné et conseillé sur les dispositifs qui pourront vous aider à faciliter votre sexualité et ne pas altérer votre qualité de vie à deux.
Jean-Louis, 61 ans, cancer du rein métastatique découvert en 2000
Lise, 23 ans, en rémission d’un sarcome diagnostiqué en 2014 récidivant en 2017
Colette, 58 ans, guérie d’un cancer du côlon diagnostiqué en 2004 et 2 fois récidivant
Sachez également que des onco-sexologues sont à votre disposition pour vous accompagner, individuellement ou en couple. Renseignez-vous auprès de votre centre de soins ou allez consulter l’AFSOS pour trouver un professionnel proche de vous, car l’onco-sexualité est aujourd’hui considérée comme soin de support.
(Re)trouver son activité sexuelle
L’amour et la sexualité sont moteurs de la vie d’un couple. L’activité sexuelle peut être diverse, n’induit pas forcément pénétration et permet le plaisir et le bien-être. Pour optimiser les conditions initiales lors d’un moment intime du couple, il s’agit avant tout d’avoir un environnement sain, serein, avec une attitude bienveillante et d’écoute de l’autre. L’atmosphère doit être détendue, avec la bienveillance et l’écoute de chacun des partenaires. De fait, la sexualité englobe un ensemble d’expériences corporelles diverses visant à donner et recevoir du plaisir, à procurer des sensations agréables – avec les mains, la bouche sur les zones érogènes de son/sa partenaire. Chaque couple, en communicant ce qu’il ressent/ne ressent pas, souhaite/ne souhaite pas et aime/n’aime pas, pourra optimiser le plaisir commun partagé. Des mots doux glissés à l’oreille, un massage relaxant, de tendres baisers sont autant d’attentions qui maintiennent la relation à l’autre et renforcent le couple. Ces petites choses peuvent sembler anodines alors qu’elles entretiennent le désir, l’estime de soi, l’amour et l’affection que l’on porte à l’autre et peuvent compléter, voire compenser, le manque d’activité sexuelle.
Entretenir l’imaginaire érotique peut aussi permettre de raviver l’intérêt sexuel, qui a pu être mis de côté au début de la maladie. Les fantasmes peuvent être un outil puissant pour réveiller le corps, le désir et la libido. Écouter ce qui se passe en soi, corps comme esprit, permet une reconnexion à la confiance en soi malmenée par le cancer. La tendresse aide également à laisser parler le corps. Tout ceci permettra d’accéder progressivement à l’équilibre physique et émotionnel des deux partenaires.
Le rapport sexuel n’est pas contre-indiqué pendant les traitements ni dans l’après-cancer. En revanche, si vous venez de subir une opération chirurgicale sur la zone génitale, voyez avec votre chirurgien quel délai d’abstinence adopter pour éviter d’abîmer vos sutures et respecter les autres contraintes liées à l’intervention.
Il peut aussi être difficile de retrouver une activité sexuelle car le/la conjoint(e) peut considérer son partenaire comme étant toujours fragile (fatigue liée aux traitements, fragilité liée à la[aux] chirurgie[s]). C’est un des points clé de l’étape de l’après-maladie : réussir à faire comprendre à l’autre que l’on est plus « une petite chose malade ». Mais, chaque chose en son temps, et il est important de se laisser le temps de se retrouver et de cheminer ensemble, à deux. C’est peut-être aussi l’occasion de se réinventer et de s’aimer davantage.
Je me sens seul depuis que je suis en rémission
Avoir une activité sexuelle quand on a un cancer, c’est aussi accepter de se protéger lors de chaque rapport, même quand on est en couple depuis longtemps. C’est n’est pas que le cancer soit transmissible par voie génitale, c’est plutôt une question de protection. Il est, en effet, préférable d’utiliser un préservatif, d’une manière générale, pendant une chimiothérapie et durant les quelques jours qui suivent le cycle de traitement. En effet, les médicaments passant dans le sang avant d’être éliminés par l’organisme, ils passent aussi dans les sécrétions vaginales et le sperme. Le préservatif évite ainsi que votre partenaire reçoive des molécules puissantes, qui ne lui sont pas destinées. Parlez-en à votre médecin, il saura vous conseiller.
De même, selon les traitements à court et moyen terme (chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie, hormonothérapie, etc.), une contraception peut être nécessaire et doit être sélectionnée selon les choix du couple, avec avis médical éventuel, pour :
- éviter toute grossesse non désirée ou à risque fœto-maternel
- se protéger d’éventuelles maladies sexuellement transmissibles (MST).
Enfin, si vous nourrissez, avec votre conjoint, l’envie de devenir parents et d’avoir un projet parental, des dispositifs existent, pré- et post-traitements, pour vous informer sur votre fertilité et votre capacité à être parent. Si vous n’êtes plus fertile, il vous sera possible de faire la demande d’un don de gamète pour vous permettre de devenir parent.
Je donne, je reçois
ANNONCE DU DIAGNOSTIC
Je préserve ma fertilité
Publication : avril 2022
DOCUMENTS À TÉLÉCHARGER
Ligue contre le cancer Sexualité et cancer, brochure à destination des hommes et des femmes atteints de cancer, pendant et après les traitements. (document de 64 pages) |
AFSOS • Association Francophone pour les Soins Oncologiques de Support Cancer, vie intime et santé sexuelle |
Revue Médicale Suisse Cancer et sexualité masculine |
Fondation ARC pour la recherche sur le cancer Préserver sa sexualité |
POUR PLUS D’INFORMATION, VOUS POUVEZ CONSULTER LES SITES SUIVANTS
INCa • Institut national du cancer |
AFSOS • Association Francophone des Soins en Oncologie de Support |
Allo Docteurs |
Chaîne Rose – pour témoigner, s’entraider et alléger l’épreuve du cancer |
Fondation québécoise du cancer – Programme à Félix, soutien des 15-39 ans |
Institut Curie |
Voix des patients – pour mieux vivre la maladie chronique |