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Un « tsunami », c’est souvent l’image qu’utilisent les personnes qui apprennent qu’elles ont un cancer ou que leur enfant à un cancer. Conjoint, enfant, parent, grands-parents, frère, sœur, ami… on vit le même choc face à l’annonce de la maladie. Et on vit et ressent des choses différentes, chacun à sa façon. Ce moment est brutal pour le patient. Il l’est aussi pour ses proches. On n’est pas préparé au parcours dans lequel on entre, où il faut gérer les émotions de son proche et ses propres émotions. On doit apprendre à vivre avec ce sentiment d’impuissance face à la maladie de celle ou de celui auquel on tient. Ne pas le faire seul et s’informer permet de mieux accompagner le patient au quotidien, sans s’oublier.
L’annonce d’un cancer est source d’émotions fortes, parfois contradictoires, pour la personne malade qui vient de recevoir ce diagnostic comme pour ses proches. Elle est vécue différemment par chacun, avec plusieurs phases, du choc initial jusqu’à l’acceptation de la maladie.
Pour les proches aussi, les réactions peuvent être différentes selon la parenté ou proximité avec la personne malade, son âge, le moment où la nouvelle est apprise, leur présence ou non lors de cette annonce. Comme pour la personne malade, il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réactions, il n’y a que des réactions humaines. Chacun y fait face comme il peut.
« C’est elle qui me l’a annoncé, directement après. On était dans l’ascenseur de l’hôpital, tout simplement. On s’en doutait un peu, même si je lui disais “Ce n’est rien…”. Depuis qu’elle avait commencé à s’inquiéter, je pensais que le cancer n’arrivait pas à notre âge – que c’était une maladie de “vieux”, de fumeurs ou de personnes qui consomment trop d’alcool. Avec les différents examens, j’étais néanmoins plus ou moins persuadé que ça allait arriver. »
Axel, 31 ans, conjoint d’Adèle, en rémission d’un sarcome d’Ewing diagnostiqué en 2016
« Je devais avoir 15-16 ans quand ma mère est tombée malade. Elle en avait 45. Mes parents n’ont pas voulu m’en parler tout de suite, pour me protéger et parce qu’ils considéraient que c’était une affaire de couple. C’est plus tard qu’ils ont été obligés de me le dire. »
Pierre, 50 ans, aidant de sa maman Michèle, décédée à 61 ans d’un cancer du sein diagnostiqué en 1980
Choc, sidération, incompréhension s’emparent souvent des proches. S’y ajoute, bien sûr, l’inquiétude, voire la panique, pour son proche malade, qu’on s’impose de masquer du mieux que l’on peut pour faire face ensemble.
« C’est mon mari qui me l’a annoncé en ressortant de la salle de scanner, où on lui avait lui-même annoncé. Cela a été un choc, un coup de couteau dans le cœur. C’était si soudain. J’étais effondrée, mais j’ai essayé de le garder pour moi. Une fois que j’ai accusé le coup intérieurement, j’ai voulu rester sereine et optimiste, sans pour autant minimiser la situation. Je lui ai dit “On va se battre, il y a des traitements, on va le faire ensemble. On va vivre au jour le jour et profiter de chaque jour qui vient, en attendant de voir ce qui se passe“. »
Maryse, 55 ans, épouse de Gérard, 62 ans, atteint d’un cancer du rein diagnostiqué fin 2015
« Mon parcours avait bien mal commencé car, à l’annonce de la tumeur de Nadine, je me suis évanoui dans le cabinet médical. Je n’ai pas maîtrisé cet événement, mais il m’a permis de comprendre ce qu’il fallait faire : ne pas avoir peur et ne pas avoir le moindre doute dans la lutte qui s’engageait. C’était ma ligne de conduite. Même si la peur nous accompagnait malgré tout. »
Jean-Marc, 63 ans, conjoint de Nadine décédée d’un cancer du rein métastatique à 52 ans après 2 ans de traitement
« Cela n’a pas été un choc parce que je connaissais déjà cette maladie. Mon père est décédé d’un cancer avec récidive il y a 15 ans, ma fille est radiothérapeute et j’ai eu moi-même des petits cancers de la peau. Donc, je n’ai pas eu trop peur et, maintenant, j’ai encore moins peur parce que c’est une maladie qui se soigne mieux. »
Dominique, 59 ans, conjoint de Pascale, 59 ans, atteinte d’un cancer du sein diagnostiqué en 2013 récidivant en 2017
S’armer pour accompagner son prochevoir plus
En accompagnant votre proche malade aux rendez-vous médicaux et lors du deuxième rendez-vous avec l’infirmier de coordination (en savoir plus), vous pourrez l’aider à surmonter la « surdité émotionnelle », provoquée par le choc de l’annonce et qui « bloque » toute pensée ordonnée (Voir notre page « On vient de m’annoncer que j’ai un cancer, on vient de m’annoncer que mon enfant a un cancer« ). Vous pourrez poser des questions complémentaires aux siennes et prendre des notes pour rediscuter ensemble de ce qu’on lui a dit et qu’il a entendu.
« Nous arrivons dans un autre monde : celui des maladies graves. Je n’étais pas préparé pour cela. Mais être deux pour se battre contre une injustice était un atout. Je me suis dit que je pouvais agir sur deux axes pour aider ma femme : une présence physique et une aide morale. La première était naturelle et simple : l’accompagner à tous ses examens, rendez-vous et résultats pour partager et les interpréter ensemble. La seconde passait par le dialogue et une plus grande attention, notamment dans le partage des tâches quotidiennes. »
Jean-Marc, 63 ans, conjoint de Nadine décédée d’un cancer du rein métastatique à 52 ans après 2 ans de traitement
Bien comprendre la maladie de son proche, son stade et son degré d’évolution, se familiariser avec les termes techniques et médicaux, les traitements est important pour se les approprier et accompagner au mieux la personne malade.
Attention, la comparaison avec d’autres cas de cancers que l’on a connus a de vraies limites, même s’ils sont survenus il y a quelques années seulement. D’abord, chaque cas de cancer est unique. Il n’y a pas un cancer, mais de multiples formes de cancers, à des stades différents et auxquels deux personnes réagissent de manière différente, même si elles reçoivent le même traitement.
Ensuite, parce que les connaissances évoluent très vite et que ce qui était une pratique commune il y a peu, a pu évoluer vers de nouvelles formes de traitements, parfois très novateurs et plus personnalisés (mieux adaptés à votre cas).
Enfin, la variété des traitements ne cesse de s’élargir pour chaque type de cancer. Les alternatives à un traitement peu efficace laissent encore d’autres possibilités sans renoncer à une évolution positive.
« À l’annonce, on est noyé sous les termes techniques, comme stade ou grade, et il est possible de ne rien comprendre. L’accompagnant peut alors demander au médecin de les expliquer simplement, ainsi que ce qu’il va se passer par la suite. Néanmoins, il est important de ne pas comparer avec la maladie d’autres personnes que l’on connaît, car cela n’aidera pas le malade, chaque cas et chaque personne étant unique. »
Françoise, 57 ans, guérie d’un cancer du sein diagnostiqué en 1998
Cette compréhension peut aussi aider à prévenir l’apparition du cancer, s’il s’agit d’une forme familiale de la maladie avec un gène de prédisposition.
« Au moment où l’on a annoncé son cancer à ma maman, j’ai compris qu’elle allait pouvoir se faire tester et que je pourrais savoir à mon tour si ce cancer était bien dû à une anomalie génétique. Cette annonce a donc été également une clé pour moi, pour décider de faire ces tests à mon tour, prendre mon destin à bras-le-corps et agir pour ne pas tomber malade. Ensuite, on a un rôle de messager dans la famille, de transmission : pas seulement d’une anomalie génétique, mais aussi d’une information capitale, qui permet de prendre sa vie en main et de se mettre à l’abri. »
Laetitia Mendes, 37 ans, aidante de sa maman Brigitte décédée en 2006 à 49 ans d’un cancer du sein génétique
Soutenir l’autre et trouver les mots justesvoir plus
On n’est jamais préparé à la maladie, encore moins à celle de son proche. Il est possible d’être inquiet, d’éprouver de la gêne, de ne pas savoir comment soutenir ou réconforter son proche. De son côté, la personne malade peut refuser de communiquer, au moins dans un premier temps, parce qu’elle doit faire son propre chemin ou qu’elle ne veut pas inquiéter son entourage.
Le défi qui s’ouvre au proche du malade au démarrage de ce parcours est donc de savoir quoi dire et quoi faire pour aider son proche, l’épauler, identifier ses besoins et ses attentes, dans des non-dits ou des « trop-dits ». Et de s’adapter, pour trouver les bons gestes, la bonne distance, le ton et les mots justes, pour en faire « ni trop » en la rassurant à outrance et en minimisant la maladie, « ni pas assez » en laissant parler ses propres angoisses aggravant la situation.
« Même si ce n’est pas une surprise, cela reste un choc. Au bout d’un moment, je me suis dit “Il n’y a pas 36 solutions, il faut y aller. Ça va être difficile pour tous les deux, mais ce n’est pas grave, on va s’en sortir. Il y aura une fin à tout ça, on va aller au bout et je serai là. Allez, au boulot… Tenue de combat et, hop, let’s go ! Les sentiments, on verra plus tard.” Le but est d’être là pour la personne malade et de la soutenir. Comme on peut, comme on veut, comme elle veut, sans se poser réellement de questions. Me dire “Let’s go ! et on verra” m’a permis de ne pas avoir peur, et de ne pas me restreindre avec Adèle, quand elle avait besoin de moi ou de quoi que ce soit. »
Axel, 31 ans, conjoint d’Adèle, en rémission d’un sarcome d’Ewing diagnostiqué en 2016
Écouter l’autre, le laisser parler d’abord, respecter ses silences, poser des questions simples et ouvertes (par exemple, « Comment te sens-tu ? » plutôt que « Ça va ? »), laisser à la personne malade le temps de l’acceptation et essayer de comprendre ce qu’elle vit sans se mettre à sa place, car on n’y sera jamais. L’enjeu ? Être présent sans être pressant ni oppressant, rester à l’écouter, positif et continuer à vivre.
« Quand un proche annonce son cancer, ma priorité a toujours été de me dire “Je vais essayer de ne pas me mettre à sa place, ni à celle des médecins”, ce qui est très difficile. Dans l’empathie, on voudrait prendre sa douleur à bras-le-corps, et on se sent impuissant. Il faut essayer de rester neutre et engager le plus d’énergie possible au service de tout ce qui va venir en positif, rester soi et garder cette frontière. Même si on sait que c’est une période très douloureuse. »
Laetitia Mendes, 37 ans, aidante de sa maman Brigitte décédée en 2006 à 49 ans d’un cancer du sein génétique
« Je n’aime pas quand les gens me disent “Ne t’inquiète pas, ça se soigne, etc.”. Dieu seul sait si on va guérir ou pas. Je sais en revanche qu’on peut se battre et qu’il faut continuer à vivre, et à vivre intensément. C’est ce que je fais, ce qu’on fait ensemble. À chaque moment. »
Maryse, 55 ans, épouse de Gérard, 62 ans, atteint d’un cancer du rein diagnostiqué fin 2015
Se faire accompagner en parallèlevoir plus
Parler avec les médecins ou demander à voir le psychologue du service est important pour garder le moral pour son proche. Ils sont là également pour les aidants de la personne malade. Il ne faut pas hésiter à les solliciter quand vous en ressentez le besoin.
« L’aide morale apportée au malade dépend de chacun, mais je suis persuadé que l’optimisme aide à la guérison. Il faut trouver des clés et ne pas partir dans tous les sens comme j’ai pu le faire. Au fil du temps, nous nous sommes notamment fait aider par une association locale qui nous apportait soutien moral et conseils ciblés. »
Jean-Marc, 63 ans, conjoint de Nadine décédée d’un cancer du rein métastatique à 52 ans après 2 ans de traitement
Il faut donc pouvoir en parler à d’autres proches – parents, famille proche ou éloignée, amis – pour ne pas faire face seul à la maladie de son proche. Identifier des personnes ressources autour de soi pour la suite du parcours est important.
C’est important car, si la vie de votre proche est bouleversée, la vôtre peut l’être aussi, si vous êtes son conjoint, son parent ou son enfant, parce que vous allez devoir l’accompagner au quotidien.
« Cela faisait trois ans qu’on était ensemble et six mois qu’on vivait ensemble. On travaillait tous les deux à mi-temps pour se consacrer aussi à nos projets photo. Ce n’était pas le bon moment, même si on sait que ce n’est jamais le bon moment. Le cancer a bouleversé notre vie. Je suis passé à plein temps, pour qu’on puisse garder notre studio et qu’Adèle puisse être tranquillement à la maison quand elle allait rentrer de l’hôpital. »
Axel, 31 ans, conjoint d’Adèle, en rémission d’un sarcome d’Ewing diagnostiqué en 2016
S’il s’agit de l’un de vos parents, vous pouvez organiser une réunion de famille pour en discuter avec votre autre parent, votre fratrie ou d’autres proches, partager vos émotions et vous répartir les rôles et les tâches, selon vos obligations professionnelles ou personnelles.
« Chacun trouvera les clés personnelles pour accompagner la personne qu’il aime. Il n’y a pas de modèle mais on peut certainement se faire aider, car le parcours d’aidant est aussi un combat de tous les jours. Moins douloureux sûrement que celui de la personne malade mais qui demande énergie et patience. Savoir se préserver aussi, autant que possible, est important pour donner de l’amour et en recevoir. C’est ce dont nous avons tous besoin à ce moment-là. »
Jean-Marc, 63 ans, conjoint de Nadine décédée d’un cancer du rein métastatique à 52 ans après 2 ans de traitement
N’hésitez pas à vous rapprocher des associations et structures de soutien.
Retrouvez toutes les informations utiles et les forums destinés aux malades et proches de malade d’un cancer sur les sites des associations membres de GPS CANCER.
Contactez-les, elles peuvent vous accompagner dans votre parcours.
Le site internet Ma Boussole aidant vous donnera également des informations pour vous soutenir dans votre parcours d’aidant.
Pour les jeunes aidants (adolescents et jeunes adultes) dont un parent ou un membre de la famille est malade, l’association JADE permet de trouver infos, conseils et soutien.
Aider les jeunes aidants
L’association « Jade » accompagne les jeunes dont un parent ou membre de la famille est malade.
A lire sur le site de JADE
Publication : novembre 2019
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